Malgré son profond intérêt pour l’art, Joukhadar ne pensa jamais se mettre à l’œuvre. Contrairement à un Berlioz ou un Tchaïkovski , il était convaincu de la carrière de juriste ou de diplomate à laquelle ses parents le destinaient et s’apprêtait à remplir les hautes fonctions d’Etat qui lui incomberaient. Il ne savait pas que le destin en avait décidé autrement et que trois évènements capitaux et successifs allaient changer le cours de sa vie.
Tout d’abord, après une soirée familiale banale, la nuit, dans la solitude tranquille de sa chambre, il se sentit mystérieusement et subitement habité par une conscience artistique quasi surnaturelle et étrangère à lui. Il se trouva en train de dessiner une main, d’une facture et d’un raffinement dignes d’un grand maître. Telle une personne qui n’aurait jamais joué de musique et qui, dans un moment de grâce, s’assiérait devant un piano pour la première fois, jouerait à la perfection une vertigineuse étude de Liszt. Ainsi, Joukhadar se découvre du jour au lendemain, une désarmante aisance et maîtrise technique doublées d’une puissante maturité artistique.

Il n’avait jamais rêvé d’être artiste. Ses rêves et ses ambitions avaient toujours été axés sur les performances physiques et intellectuelles, ses rêves étaient entre autre de maîtriser le plus grand nombre de langues et surtout d’embrasser toute forme de savoir. Joukhadar n’a jamais pu s’expliquer ce qui se produisit cette nuit là ni la raison d’être de sa subite vocation artistique. Les imprévisibles et impérieuses manifestations de ses impulsions artistiques sont pour lui une sorte de mystère qu’il qualifie d’état second.
Peu de temps après, les portes d’un savoir relevant d’une haute initiation aussi bien spéculative qu’opératoire se sont ouvertes à lui.
Puis une tragédie annoncée brutalement changeât entièrement le cours de sa vie, le forçant à développer un mental de yogi afin d’en surmonter les désastreuses conséquences et de continuer d’intenses activités.