En prenant comme modèle un Pharaon (Thoutmès III), Joukhadar a voulu par ce choix, ô combien symbolique, représenter un archétype. Celui qui figure sur les billets de banque, sur les effigies et les médailles. L’archétype du chef, du leader politique, du grand patron d’entreprise, de l’oligarque, de tous les hommes qui détiennent un immense pouvoir et portent toujours sur leurs visages un masque de calme assuré, inébranlable, supérieur, presque hiératique et un rien sensuel. Un masque impénétrable et imperméable qui occulte parfaitement leurs véritables pensées.

Les différents aspects de ce calme sont exprimés sur le visage par l’utilisation d’un code de couleurs symbolique. Sur un fond mauve sensuel, Joukhadar a incrusté dans l’aquarelle encore mouillée, la froideur et la sérénité d’un bleu de Prusse progressivement sublimé par le mauve en bleu roi. Le terrestre d’un ocre chaleureux ainsi qu’un vert émeraude précieux et hiératique complètent la luxure et la volupté de l’ensemble.

En contraste avec le visage, la gamme de couleurs choisie pour la chevelure représente les idées troubles. Il s’agit de la même gamme que Joukhadar a utilisé dans deux œuvres du même cycle de peintures : ‘Guerre’ qui ouvre le cycle et ‘Extraverti’ qui le clôt. Sur un fond de vert sombre et froid flotte une flaque d’un noir sinistre dans laquelle se débattent un ocre boueux et un rouge trouble et sanguinaire.

Loin d’être figurative, cette œuvre est pratiquement abstraite. Le visage n’est qu’un repère, vite oublié, qui guide le regard vers un monde où les couleurs expriment des idées et des sentiments comme le feraient les sonorités d’un orchestre symphonique.