Mort

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Le Mort ? La Mort ?
Une rencontre avec lui.
Une réflexion sur elle.

Certainement pas une banale et naïve représentation sous la forme d’un squelette, d’un crâne ou d’une faucheuse. En effet, l’œuvre émane d’une personne familière aux réflexions métaphysiques et qui avant d’être artiste, reçut une éducation le destinant à des fonctions d’ordre spirituel.

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Apparence calme et idées troubles représente les personnalités illustres au fil des époques. Ces personnalités dont le visage finit sur des médailles ou des bustes ornant quelques prestigieuses salles ou galeries de palaces royaux, gouvernementaux ou privés.

En continuité et réalisée le même jour, Mort représente la deuxième phase du visage des grands de ce monde, phase qu’on ne représente généralement pas en médaille ou en buste! Mais que l’on pourrait voir sur les momies de Lénine, Mao ou Atatürk, pâles pastiches de leur archétype : le monarque absolu qu’était le Pharaon. Ceci explique le choix du visage de Ramsès II. Mort définitive, résurrection sans espoir de vie.

En excluant tout autre cadrage montrant par exemple le corps, Joukhadar concentre notre regard sur l’essentiel, sur le visage de Ramsès. Frontal, vertical, hiératique, il nous met dans un face à face inquiétant avec la mort physique. La mort physique, serait-elle juste le signe de l’anéantissement? Serait-elle le passage incontournable vers l’éternité ? Elle est évoquée par une gamme d’ocre cadavérique rehaussée de bleu de Prusse métallique et glacial anéantissant les couleurs de la vie. Des morceaux de peau semblent se détacher, comme une chair moisie ne tenant plus que par des lambeaux.

La sérénité apparente des yeux est-elle réelle? Ceux dont la conscience dépasse les limites du physiquement perceptible savent que la pire souffrance infligée à une dépouille est l’embaumement ou toute autre processus la privant du contact avec la terre et de la liberté de se décomposer.

Le regard et le visage d’un paraplégique semblent sereins, mais que savons nous de sa souffrance ? Le léger rictus à la droite du visage, témoin indélébile du dernier instant, exprime-t-il une satisfaction ou serait-il celui de l’arrogance du criminel confondu par l’évidence?

mort-zoom-2Le fond, qui participe et accentue le trouble suscité par le visage, n’aurait certainement pas eu le même impact s’il s’était étendu jusqu’au cadre. Réduit à une sorte de halo aux bords irréguliers savamment voulus, il donne l’impression furtive de voir des cornes ou des oreilles diaboliques, magie des processus psychophysiologiques de la vue.

Les techniques de lavage de cerveau pratiquées par les services secrets sont toutes basées sur un profond traumatisme psychologique. Un des pires traumatismes infligé dans cette optique est la privation de tout stimuli visuel ou auditif. Plus le temps passe et plus la privation de son et de lumière devient atroce… Le visage de Ramsès est ceint d’un noir d’abîme qui le sépare des obscurités bleutées qui l’entourent et qui anéantit toute lumière. Lumière qu’il prétendait détenir et à laquelle il se considérait destiné. Ce n’est que le début…