Le troisième de la série des Trois Archétypes représente Roxelane, célèbre figure qui changea le cours de l’histoire. Joukhadar a choisi le moment décisif de la première nuit de Roxelane avec le Sultan. Assise au bord du lit, elle a une mission à accomplir; devant elle, Soliman, l’ennemi mortel qu’elle doit conquérir. Echange de regards, défi: qui baissera les yeux le premier ? Elle tient bon, jouit de cet instant de gêne, soutenue par la haine qui décuple sa force de caractère. Les lèvres serrées, concentrée, déterminée, elle sourit presque. Les draps semblent pouvoir se déchirer sous sa main. Elle gagne : il baisse le regard, signe de bon augure. Désormais c’est elle qui domine.
Rappel historique
Roxelane était esclave au harem du Sultan Soliman le Magnifique, à Istanbul. Elle fut mystérieusement soutenue et poussée jusqu’à accéder au rang de favorite, pour finalement devenir l’épouse du Sultan. Elle réussit ainsi à obtenir, pour la première fois dans l’histoire de l’Empire Ottoman, le statut exceptionnel de « Sultane ».
Elle changea littéralement le cours de l’Histoire en éliminant Ibrahim Pacha, l’ami de Soliman le Magnifique et chef de ses armées, qu’elle accusa de vouloir s’emparer du pouvoir par ambitions personnelles; il fut misérablement exécuté. Et ainsi fut décapitée l’extraordinaire armée ottomane qui avait, quelques décennies auparavant, réussi l’impensable avec la prise de Constantinople.
Cette armée surnaturelle était alors aux portes de Vienne. Même si la chute du dernier royaume musulman d’Espagne était récente, si Vienne était tombée, l’Europe déchirée par ses luttes intestines se serait écroulée devant l’armée ottomane. Poursuivant sa mission, Roxelane se débarrasse de la concurrence gênante du brillant fils aîné du Sultan, et héritier du trône, utilisant les mêmes accusations que celles lancées auparavant contre Ibrahim Pacha, et avec la même fin tragique. Le deuxième fils du Sultan serait mort de chagrin pour son frère; il aurait été plutôt empoisonné.
Désormais, la voie était ouverte devant Roxelane. Ainsi elle inaugura une lignée de Sultans dégénérés et incapables en plaçant son propre ivrogne et dépravé de fils comme successeur de Soliman le Magnifique et son gendre comme Premier Ministre.
Elle arrêta ainsi l’avancée ottomane en Europe. Si l’on réfléchit aux conséquences d’une victoire des Ottomans, Roxelane a réellement changé le cours de l’Histoire. Elle peut être considérée par certains comme un véritable monstre et par d’autres comme l’une des plus grandes héroïnes de l’histoire de l’humanité.
L’œuvre-objet unique
Ceux qui ont eu la chance de pouvoir admirer le tableau de près ont tout d’abord été fascinés par cette beauté féminine à couper le souffle, une beauté sublime, presqu’angélique. Puis, alors qu’ils ne peuvent pas quitter ce visage du regard, ils s’aperçoivent que l’atmosphère du tableau change peu à peu. Au bout d’un quart d’heure, le regard de Roxelane et l’expression indéfinissable de son visage, changeant d’une minute à l’autre, surtout avec d’infimes changements d’éclairage, suscitent la frayeur que l’on ressent face à un phénomène surnaturel.
Joukhadar a expliqué avoir réalisé ‘Roxelane’ d’un seul jet, en moins d’une heure, après des mois de réflexion, sans le moindre dessin ou étude préliminaire. Le résultat est le fruit d’années de réflexion sur la manière de Léonard de Vinci, sur la possibilité de jouer avec les repères de la perception visuelle.
L’aura, l’atmosphère, ou les expressions changeantes de ce portrait-symbole, sont une fois de plus une preuve fournie par Joukhadar de la possibilité d’introduire dans une œuvre artistique des propriétés impossibles à reproduire par photographie ou autre moyen technique. Aucun outil ne peut remplacer la main de l’artiste et aucun appareil ne peut remplacer l’œil du spectateur.